Facebook et la sobriété numérique

Je viens de supprimer mon compte Facebook. J’y songeais depuis plusieurs mois mais je n’osais jamais passer à l’acte. J’avais peur de rater des évènements ou de recevoir des nouvelles d’amis éloignés. Mais le bruit de fond étant devenu si intense qu’il cachait le message, j’ai simplement «tiré la plogue» pour prendre une bouffée d’air frais.

C’est l’écoute d’une entrevue avec Matthieu Dugal à Gravel Le Matin qui m’a donné la poussée dans le dos qu’il me manquait pour fermer définitivement mon compte. (lien)

Nous sommes le produit

J’ai joint Facebook il y a 10 ans comme la vaste majorité de mes congénères. Ce réseau social qui compte maintenant plus de 1 milliards de profils est une des plus grosse machine «intelligente» de la planète. D’ailleurs Mark Zuckerberg ne cache pas ses intentions et sponsorise des recherches controversées en intelligence artificielle, décriées entre autre par feu Stephen Hawking et Elon Musk. Ses algorithmes d’apprentissage profonds compilent et analysent tous nos comportements en ligne afin d’anticiper nos prochaines actions et nous maintenir connectés le plus longtemps possible, captifs de nos écrans. Facebook vend aux entreprises notre ressource la plus précieuse : notre attention, que l’on nomme dans le monde publicitaire le «Temps de cerveau humain disponible«.

Une multitude de mécanismes sont mis en place afin de nous maintenir branchés et à l’affût de la prochaine nouvelle. Par exemple, les «likes» et les commentaires nous sont envoyés progressivement afin que nous ayons des notifications de façon périodique, nous rabattant sans cesse sur Facebook comme du bétail qu’on rappelle à l’ordre.

Une activité chronophage

La perte de temps est pour moi la pire conséquence des réseaux sociaux. Dans nos vies trépidantes, étirés entre le travail, le métro, la préparation des repas, les réparations de la maison, les commissions, il nous reste déjà peu de temps de cerveau humain disponible. Chacune de ces précieuses minutes (et souvent heures) données passivement à Facebook est en fait un sacrifice du temps alloué à la famille, au couple, pour faire du sport ou un projet personnel. Il y a un nombre fini de minutes dans une semaine.

La chambre d’écho

Facebook nous met en relation avec nos semblables idéologiques et nous prive de relations avec les gens pensant différemment de nous. Les algorithmes de Facebook nous renvoient du contenu de deux principaux types: (1) ce qui touche nos intérêts et (2) ce qui nous indigne. Les deux ont pour fonction de nous maintenir rivés à nos écrans. Par exemple, le sujet de l’environnement m’intéresse et me préoccupe à la fois. Mon fil d’actualité est donc rempli d’annonces positives (groupes zéro-déchets, voitures électriques, projets de capter le plastique en mer) et d’annonces négatives (braconnage des baleines en Islande, effondrement des populations d’insectes, changements climatiques). L’effet est le même pour vos positions politiques. Que vous soyez ouvertement indépendantiste ou fédéraliste, de gauche ou de droite, on vous présentera du contenu adapté à vos intérêts.

Abandon du libre arbitre

La prétendue ingérance russe dans l’élection du dernier président américain démontre à quel point les réseaux sociaux peuvent être utilisés par des organisations afin d’influencer l’opinion des masses en produisant du contenu finement ajusté aux algorithmes, renvoyant un message ciblé à la population. Facebook est donc devenu un véritable outil d’ingénierie sociale. Des études montrent qu’un grand pan de la population abandonne les médias traditionnels pour s’informer via les médias alternatifs.

Insignifiance généralisée

La plupart des discussions sur Facebook ont un ton léger et sont vides de sens. Pouvez-vous me résumer les 5 dernières discussions pertinentes que vous y avez eu ? Il semble y avoir très peu de decorum. Les gens ne prennent pas au sérieux leurs écrits, ce qui se traduit par des discussions interminables remplies de fautes d’orthographe et d’émoticones. Enfin, les trolls sont toujours prêts à sauter sur une conversation pertinente pour en gâcher le contenu et faire taire les protagonistes.

L’éphémérité de nos écrits

Contrairement à ce que nous écrivons sur ce blog, nos messages et publications sur facebook se perdent dans les archives du service, les rendant inaccessibles à toutes fin pratiques pour référence future. Je ne veux plus perdre mon temps en écrivant dans ce puis à idées sans fond.

Comment vais-je vivre sans Facebook ?

Je vais vivre comme je vivais en 2007: communiquer par courriels et textos à mes amis et utiliser plus souvent le téléphone pour rejoindre mes proches. Je suis confiant que je saurai meubler mon temps avec des rencontres plus humaines et significatives.




Par Philippe St-Jacques