Walden de Henry David Thoreau
Thoreau est un grand naturaliste de son époque et si vous aimez les descriptions détaillées de la Nouvelle-Angleterre sauvage ainsi que des réflexions sur la place de l’homme dans ce monde en changement, ce livre est à lire.
fenêtre dans le temps
Thoreau nous offre dans plusieurs de ces récits ce que j’appelle des fenêtres temporelles. Écrivant déjà il y a 150 ans, il nous raconte les récits et les conditions de vie de ses anciens, soit ceux le précédant d’un autre siècle et demie. Il nous parle des premières habitations de colons enfouies dans la terre en Nouvelle-Hollande et de l’état d’esprit des premiers bâtisseurs suite à la sécession américaine. On retrouve aussi ces portails temporels dans les romans sur les patriotes qui nous parlent avec détails du quotidien des anciens canadiens.
sur la futilité des nouvelles technologies
Nos inventions sont souvent de jolis jouets qui nous distraient des choses sérieuses. Ce ne sont que des moyens améliorés pour une fin non améliorée qu’il était déjà beaucoup trop facile d’atteindre; ainsi, les chemins de fer qui relient Boston à New-York. Nous sommes très pressés de construire un télégraphe magnétique entre le Maine et le Texas; mais peut-être que le Maine et le Texas n’ont rien d’important à se dire. p. 63.
Nouvelle-Hollande
Le secrétaire de la province de Nouvelle-Hollande, écrivant en hollandais en 1650 pour instruire ceux qui souhaitaient s’installer sur ces terres, insiste sur le fait que “les habitants de Nouvelle-Hollande, et surtout ceux de Nouvelle-Angleterre, qui n’ont pas d’abord les moyens de bâtir des fermes à leurs goûts, creusent une fosse carrée dans le sol, à la manière d’une cave, profonde de 6 ou 7 pieds, de la largeur et la longueur qu’ils désirent, tapissent tous les murs avec du bois, puis doublent ce bois avec de l’écorce ou quelque matériau similaire afin d’éviter que la terre ne s’écroule vers l’intérieur; sur le sol de cette cave ils installent des planches, des panneaux de bois au-dessus de leur tête en guise de plafond, ils dressent un toit de longerons au-dessus de l’ensemble, puis recouvrent ces longerons avec de l’écorce ou des mottes d’herbe, afin de pouvoir vivre au sec et au chaud dans cette maison avec toute leur famille durant deux, trois, voire quatre années, étant entendu que des cloisons divisent ces caves dont la taille est adaptée à celle de la famille. Au début de la colonisation, les hommes riches et importants de Nouvelle-Angleterre construisirent ainsi leurs premières habitations, d’abord afin de ne pas perdre de temps à bâtir, ensuite pour ne pas décourager les pauvres travailleurs qu’ils firent venir en masse de leur patrie. p. 49
habitation
Quels sont les besoins minimaux pour vivre? Pour se loger, un toit qui nous garde au chaud et au sec suffit. Le reste est superflu.
le travail inutile, forcé
Si au lieu de fabriquer nos traverses de chemin de fer, de forger des rails et de consacrer nos jours et nos nuits au travail, nous remanions nos vies pour les améliorer, elles, qui construira les chemins de fer? Et si nos chemins de fer ne sont pas construits, comment monterons-nous au ciel en temps voulu? Mais si nous restons à la maison pour nous occuper de nos affaires, qui aura besoin de chemins de fer? Nous ne montons pas dans le train; c’est lui qui monte sur nous. Avez-vous déjà réfléchi à ce que sont ces traverses, qui soutiennent la voie de chemin de fer? Chacune de ces traverses est un homme, un Irlandais ou un Yankee. Les rails sont posés dessus, puis elles sont recouvertes de sable et les wagons circulent sans heurt dessus. p. 105.
livres
Thoreau se désole que la population de Concord et partout ailleurs ne lise que des Lectures Faciles alors que nous ayons un accès inédit dans l’histoire aux classiques transmis par des générations de savants. Il décrie le dicta des grands éditeurs sur nos choix de lectures.
Il critique nos investissements faméliques dans les bibliothèques alors que nous dépensons jusqu’à nous endetter dans des infrastructures électoralistes.
Ce village a dépensé dix-sept mille dollars pour une mairie, grâce aux fortunes ou à la politique, mais en un siècle il ne dépensera sans doute pas autant pour l’esprit vivant, la vraie chair à mettre dans cette coquille. […]
Au lieu de nobles, ayons de nobles villages d’hommes. Et s’il le faut, renonçons à un pont enjambant la rivière, acceptons de faire un petit détour, et lançons au moins une arche au-dessus de l’abîme d’ignorance crasse qui nous entoure.
N’a-t-on pas investi 500 millions pour doubler la transcanadienne entre Dégelis et Edmondston ? Et si nous avions plutôt utilisé cette somme pour garnir les bibliothèques de nos écoles ?
transcendance
Lilas qui poussent sur les ruines d’une vieille maison abandonnée dans les bois. Les enfants qui ont planté une bouture de lilas sauvage dans le sol il y a un demi siècle sont désormais décédés alors que l’arbre porte encore généreusement ses fleurs parfumées. p. 291.
Quand je me suis couché la première fois dans mon lit, j’ai vu le lampadaire de la ruelle par la fenêtre et je me suis dit que ce pourrait être le dernier panorama que je voie avant le coucher d’ici la fin de mes jours.
question de perspective
pour le voyageur, la silhouette d’une montagne change à chacun de ses pas, et elle possède ainsi un nombre infini de contours, bien qu’une seule forme dans l’absolu. p. 319.
maison
Il rêve de grandes maisons à une pièce, fonctionnelles et chaleureuses, dans lesquelles on voit tous nos invités. Bâties de matériaux solides, sans fioritures, une vaste salle rustique, dont les chevrons et les pannes nues soutiennent une voûte protégeant de la pluie. On vit les poutres, quelques bancs pour asseoir les visiteurs. Au mur tous les objets utiles de la vie courantes sont suspendus et font office de décoration. À l’opposé, une maison compartimentée dans laquelle on cache chacun de nos invités dans un dédale de pièces et peu intéressante. p. 270.
la valeur intemporelle du bois
Il est tout aussi précieux qu’il l’était pour nos ancêtres saxons ou normands. Quand ils y taillaient leurs arcs, nous en faisons des crosses de fusil. [..] l’habitant de la Nouvelle-Angleterre et de la Nouvelle-Hollande, le Parisien et le Celte, le fermier et Robin des Bois, dans presque tous les pays du monde le prince et le paysan , le savant et le sauvage, tous ont également besoin de quelques bouts de bois issus de la forêt pour se réchauffer et faire cuire leurs aliments. p. 278.
besoin de nature sauvage
En même temps que nous aspirons à explorer et à connaître toutes choses, nous exigeons que la terre et la mer soient infiniment sauvages, inconnues et non sondées par nous, parce qu’insondables. Nous ne pouvons jamais avoir assez de Nature. p. 248.
glace
La glace de Walden craque, travaille, devient tantôt miroir, cubes qu’on découpe, sables mouvants au printemps ou spectacle de bulles emprisonnées.
pitch pin
poussent partout, frottent sur la maison, rongés par les mulots l’hiver
souvent mentionnés aussi les chênes nains
le travail sur son corps
Chaque homme est le bâtisseur d’un temple, appelé son corps, consacré au dieu qu’il adore, portant un style bien à lui, et il ne peut pas davantage s’en tirer en se contentant de marteler du marbre. Nous sommes tous sculpteurs et peintres, et nos matériaux sont notre propre chair, notre sang et nos os. Toute noblesse commence d’emblée par raffiner les traits d’un homme, toute bassesse ou sensualité par en faire ressortir la brute. p. 247.
fin
À la fin, l’auteur nous dit que la richesse n’est pas dans l’ostentatoire mais dans le chemin parcouru et dans la richesse de l’esprit.
Par Philippe St-Jacques