La succession des arbres en forêt de Henry David Thoreau

Ce livre relate une conférence que Thoreau donna en 1860 devant une assemblée d’habitants, fermiers, amateurs de la nature et intellectuels de la banlieue rurale de Concord, au Massachusetts. Écologiste avant l’heure se ce mot, il explique comment les arbres poussent à partir des graines laissées dans le sol par les agents de dispersion naturels tels les écureuils, les oiseaux comme les geais ou le vent. Il explique comment ceux-ci font un travail plus besogneux et productif que n’importe quel sylviculteur chevronné.

Il a inventé le style littéraire américain du nature writing. Thoreau faisait partie du cercle des transcendantalistes, qui remettaient en questions les schémas de pensée établis à l’époque et questionnaient la constitution ou son application dans cette nouvelle nation qui a perdu son essence et est devenue trop mercantile et matérialiste. Il questionne plusieurs des choix de ses gouverneurs et se retourne vers la nature pour y trouver l’essence de ce qui fait de nous des hommes, pour y trouver une harmonie et une justice entre les hommes mais aussi avec la nature. Thoreau était un antiesclavagiste notoire et alla même jusqu’à défendre des militants abolitionnistes ayant du sang sur leurs mains comme John Brown.

On apprend que les chênes poussent mieux lorsque protégés dans leurs premières années par des pins sylvestres, qu’on éclaircit progressivement. Les pins nourrissent le sol bien mieux que n’importe quel engrais artificiel.

Thoreau décrit en détail comment les écureuils creusent des galeries dans la neige de 2 pieds d’épais directement vers les noix qu’ils ont enterrées et s’émerveille de cette prouesse. Il raconte avec précision comment les geais cassent les glands avec leurs pattes sur les troncs d’arbre, puis mangent le fruit avec leur bec redressé vers le ciel. Durant cette opération périlleuse ils échappent des fruits qui ne manqueront pas de germer l’année suivante.

Thoreau explique à son assistance comment les forêts prennent de l’expansion et qu’en quelques années un champs bordé par un boisé sera colonisé par les essences composant ce dernier. On apprend que la meilleure façon de préserver des glands est de les laisser sur le sol et le recouvrir d’un épais paillis de feuilles mortes. Au contraire de pourrir, elles resteront fraîches et gonflées jusqu’au printemps. Nul besoin de chercher la technique absolue, il suffit d’observer ce que la nature sait déjà faire à la perfection.

Au milieu du XIXe siècle on croyait encore beaucoup au créationnisme. La génération spontanée expliquait encore pour plusieurs la germination des arbres en forêt. Les graines seraient présentes depuis toujours et viables éternellement, n’attendant que les conditions favorables pour germer; une éclaircie, de l’air frais ou de l’eau. L’auteur déconstruit ce mythe à partir de ses observations rigoureuses des forces de la nature, des graines de pin emportées par le vent à partir des cônes mûrs et des cônes verts emportés et enfouis par les rongeurs. Des caryers emportés par les écureuils loin de leurs arbre parent. Des chênes qui poussent dans une pinède rasée à blanc. Pourquoi ce ne sont pas des pins qui repoussent là où les pins poussaient ? Car des glands y ont été enfouis. Inversement, les pins poussent à l’orée de la pinède là où le vent les a emportées.

Déjà en 1860 Thoreau déplore la perte d’espèces indigènes et réclame la création de réserves de forêts primaires, intactes et pour les générations futures. Elles serviraient à produire des graines pour repeupler les forêts décimées par l’homme.

Les ducs d’atoll, ducs du nord de l’Écosse qui plantèrent d’immenses forêts de mélèzes au XVIIIe siècle.