Le piège de la consommation de Damien Hallegatte

Ce livre nous montre l’ampleur et le degré de sophistication qu’a atteint le système capitaliste. On apprend quels mécanismes biologiques et sociaux humains sont utilisés pour nous pousser à faire des achats.

Sur les voitures et les téléphones intelligents. La liberté de choix marchande se trouve en pratique exercée à l’intérieur d’une même classe de produits. Si bien que l’on ne peut presque pas se passer de certains d’entre eux, ce qui est contradictoire avec la définition de la liberté. Et évidemment, cette liberté ne comporte pas l’alternative achat/non-achat. En somme, même réduite au choix, la liberté marchande est un mensonge.

La consommation génère de la division par sa logique compétitive. En exacerbant nos différences pour le bien de l’économie, la consommation nous érige les uns contre les autres et pervertit nos relations interpersonnelles, qui sont pourtant l’un de nos plus grands biens.

Sur les VUS. Le Hummer est un VUS à l’allure pachydermique et à la consommation pantagruélique de carburant fossile. La majorité des produits de consommation de masse ont une valeur symbolique conférée par le marché. Nous ne les achetons pas seulement pour leur valeur d’usage, mais aussi pour les significations qui leur sont rattachées.

Mythe de Sisyphe: La recharge de prestige social par la consommation s’apparente ainsi au mythe de Sisyphe. Aussitôt un sommet atteint d’une échelle quelconque, tout est à refaire pour grimper sur une autre. Ou bien les autres nous dépassent sur des barreaux que l’on n’avait pas encore vus.

À l’instar d’une course aux armements, l’avantage est seulement différentiel et temporaire. On est rapidement rattrapé, les belligérants ont gaspillé des ressources considérables pour se retrouver au même point, et la distinction est à refaire.

Dans le chapitre Décore ta vie, on démontre comment les émissions de télé créent des problèmes et des solutions que nous ignorions auparavant. Ils créent une anxiété consommatrice: “comment ça se fait que je n’ai pas telle ou telle bébelle ?”

Sur l’obsolescence programmée: Pour ceux qui sont moins enclins à imiter les autres et à contribuer à la spirale consommatrice, on a inventé l’obsolescence programmée, complétée par l’incompatibilité entre produits et la difficulté de réparation ou de mise à jour des appareils.

Sur la mécanique de la publicité: Les publicités de compagnies concurrentes, apparemment en opposition les unes avec les autres, véhiculent toutes le même message: l’acquisition de biens et de services sur le marché est essentielle à l’atteinte de nos objectifs de vie.

Sur l’imitation: Les incitatifs les plus puissants, ce sont nos voisins, nos amis, les membres de notre famille, nos connaissances, que nous imitons machinalement, tout en voulant les surpasser.

Et nous ferons exactement comme eux à la première occasion. Ainsi, à tour de rôle victime et bourreau, nous embrassons la logique sadomasochiste de la société de consommation.

Triste constat final

Mais quelle serait sa capacité de résistance devant la force massive du marché et de la publicité? Devant les puissants mécanismes sociaux piratés par la société de consommation? Parvenir à réduire sa consommation de manière significative impliquerait, dans le système actuel, de résister à nos penchants humains à l’imitation et à la compétition sociale. Vouloir moins consommer implique en somme de combattre la nature humaine.

Les changements importants ne proviendront donc pas des individus, si le système ne change pas. Un changement culturel de grande ampleur exige des changements structurels préalables.




Par Philippe St-Jacques