deep work

Segmenter le travail à plusieurs ordres de grandeur et travailler sur une seule chose à la fois. Mois, jours, heures.

Notion de pensées résiduelles lorsqu’on change de tâche. Faire du multi-tâches est inefficace car à chaque fois que nous délaissons une tâche inachevée pour en commencer une autre, notre cerveau continue de réfléchir à la précédente, nuisant à notre concentration.

Il y a deux types de personnes qui ont du succès dans notre économie moderne; ceux qui sont créatifs et savent tirer le maximum des machines intelligentes et des données massives. Et ceux qui excellent dans leur domaine et sortent du lot.

Pour devenir un de ces deux profils il faut développer deux habilités essentielles:

  1. Habileté à maîtriser rapidement des sujets complexes
  2. Habileté à produire à un niveau élite, autant en quantité qu’en qualité.

Ces deux habilités exigent le travail profond ou le deep work. Nous sommes gâtés par les applications simples et le consumérisme. La plupart des machines qui transforment notre monde sont significativement plus complexes à comprendre et maîtriser. Il ne faut pas se contenter des outils simples mais aller au coeur du sujet. SQL, bsd, iPhone

Nous vivons la “Grande Restructuration” du monde du travail, menée par les technologies numériques. Lire le livre Race Against the Machines de Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee. Average is Over de Tyler Cowen. Nous vivons une grande division des forces de travail et ceux qui sauront se démarquer dans l’Ère des Machines Intelligentes auront du succès.

Travail de haute qualité produit = (Temps investi) X (Intensité de focus)

Les synapse ou liaisons neuronales sont renforcées lors de l’apprentissage par la production de myéline qui se dépose sur les liaisons stimulées. Ce sont les cellules oligodendrocytes qui enveloppent des couches de myéline sur les synapse. Plus les liaisons sont activées fréquemment et plus l’apprentissage sera durable. En isolant et en activant des circuits précis dans le cerveau au moyen de la pratique délibérée et du travail profond, on obtient un bien meilleur résultat que si nous étions en train d’étudier une formule avec un fil Facebook à l’écran.

Neal Stephenson - Anathem , auteur de sci-fi. Un monde dirigé par des élites monastiques isolées des masses distraites et des technologies et pensant profondément

Les employés passent 30% de leur temps à gérer des courriels plutôt que de travailler sur des livrables essentiels.

Si le travail profond procure un avantage indéniable en terme de productivité et de qualité, les grandes entreprises dans l’économie du savoir encouragent paradoxalement des comportements qui nous éloignent de cet état d’esprit. Les outils TI sencés nous garder connectés avec nos collègues comme les courriels, la messagerie instantannée et les meeting à répétition. Les aires ouvertes sont aussi un facteur de distraction.

Chaque fois qu’on est distrait, on remonte vers un état de concentration léger, duquel il faut faire un effort pour retrouver la concentration perdue.

Nous avons une quantité finie de volonté qui s’épuise jusqu’à en manquer dans la journée. Il faut se créer des routines et des rituels afin de truquer notre esprit et réduire la quantité de volonté requise pour tomber en état de profonde concentration ou deep work. Simplement décider de faire du deep work sa priorité ne sera pas suffisant et mènera à l’échec.

Nous avons une détermination limitée dans une journée pour combattre les distractions. Même avec la plus sincère et solide motivation, nous finissons par succomber et perdre l’état de flow.

Le flow est un état d’esprit où toute notre attention est focusée vers une tâche ou la résolution d’un problème précis. L’homo sapiens semble avoir évolué pour se sentir heureux et valorisé lorsqu’il passe suffisamment dans cet état de flow.

Mihaly Csikszentmihalyi décrit ainsi le flow: The best moments usually occur when a person’s body or mind is stretched to its limits in a voluntary effort to accomplish something difficult and worthwhile. Il suppose ainsi que le travail est plus facile à apprécier car il implique des buts, des rétroactions et des défis, tous des éléments qui encourage un individu à s’impliquer et à s’investir. Au contraire, les temps libres sont par définition non-structurés et requièrent plus d’effort pour être changés en quelque chose qui est apprécié.

Le mode de pensée de l’artisan requiert un état de flow qui s’apparente au travail profond, car il faut constamment repousser ses limites et produire un travail de qualité remarquable.

La machine Eudaimonia

Édifice à 5 pièces conçu pour créer un espace de travail profond. Invention de l’architecte David Dewane. La première pièce l’allure d’une gallerie d’art où les gens discutent. À chaque pièce qu’on franchit, on franchit des lieux de collaboration avec cafés et fauteuils, des archives, puis de cubicules fermées jusqu’à atteindre les dernières pièces, des locaux fermées de 6 pieds par 10 pieds recouverts de panneaux accoustiques, dépourvus de stimuli et sensés permettre les réflexions les plus soutenues possibles. La machine Eudaimonia vient du grec signifiant “un état où l’on atteint le plein potentiel humain”.

Partie 2 : les règles

Règle 1 : travailler profondément (work deeply)

Ne pas travailler seul et rechercher les dynamique d’équipe. En 1947 le théoricien de physique quantique John Bardeen et Walter Brattain ont réalisé en un mois les percées qui ont mené au premier transistor de semi-conducteurs. P. 133. Chaque avancée alimentait les travaux de l’autre dans une dynamique de travail profond en éliminant l’effet de page blanche. Travailler simultanément avec quelqu’un qui attend un feedback de nous peut contrecarrer l’instinct naturel d’éviter la profondeur.

Il existe 4 façons ou philosophies pour répartir son temps autour du deep work:

  • Le type monastique: passer la plupart de son temps isolé, quasi impossible à rejoindre et focuser sur ses projets de longue durée. Ce mode de vie ne convient qu’à très peu de gens. Leur succès provient de la réalisation d’une seule tâche extrêmement bien. Ils peuvent éliminer presque tout le shallow work de leur routine.
  • Le type bimodal: alouer des blocs de temps de plusieurs jours, voir plusieurs semaines au deep work, intercalé de périodes dédiées à notre carrière (par ex. Adam Grant, un trimestre au deep work et un trimestre pour enseigner). Le bimodal alterne donc entre les modes monastique et rythmique par périodes définies.
  • Le type rythmique: réserver une période de 2-3 heures tous les jours, coupés des courriels et autres distractions pour se concentrer sur un travail important qui requiert toute notre attention. Planifier ces périodes de deep work et en faire une habitude aide à lever les barrières mentales et permet d’aller profondément plus souvent et en dépensant moins d’énergie à décider si et quand on va plonger.
  • Le type journalistique: faire des séances de deep work dès que possible, que ce soit 1 h après le souper, ou deux heures quand les enfants font la sieste, etc sans vraiment planifier.

Se créer des rituels et planifier:

  1. Où allez-vous travailler et pour combien de temps. Identifier un endroit réservé exclusivement pour la profondeur et se donner une heure de début et de fin.
  2. Comment allez-vous travailler une fois parti. Se donner des règles comme par exemple si on peut utiliser internet et comment. Combien de mots on doit écrire avant de se lever ou se donner des indicateurs chiffrés (mots écrits ou pages lues par tranche de 20 minutes).
  3. Comment allez-vous supporter votre travail. Votre rituel peut comporter une bonne tasse de café, un repas santé ou 30 minutes d’activité physique avant de commencer pour se mettre dans le bon état d’esprit.

Éxécuter comme une business: Méthode de discipline 4DX. Livre The 4 Disciplines of Execution par Clayton Christensen.

  1. Focus sur ce qui est le plus important, sur les un ou deux objectifs les plus ambitieux de notre carrière ou projet personnel. Par ex. publier 5 articles en un an, compléter N plans d’affaires, automatiser X procédés.
  2. Agir sur les Lead indicators et non les Lag indicators. Mesurer les nouveaux comportements (lead) qui mèneront à des résultats (lag). Ainsi, si on veut produire 5 articles en un an, monitorer les heures de rédaction (comportement, lead) plutôt que les articles produits (résultat, lag). Pour une personne qui fait du deep work, le lead indicator devient : le temps passé dans un état de pensée profonde dédié à la réalisation de nos objectifs les plus importants. Augmenter ses heures de travail concentré aura un impact direct sur notre production.
  3. Tableau d’avancement. Se créer un tableau indicateur affiché publiquement montrant le nombre d’heures investies au travail profond (lead). On peut aussi indiquer le jour où un accomplissement (lag) a été réalisé. Cela permet de quantifier combien de temps de deep work est requis pour réaliser un livrable.
  4. Créer une cadence d’accomptabilité. Organiser des petites rencontres d’équipe pour partager nos objectifs et la date prévue pour les réaliser. De courtes rencontres fréquentes crée un sentiment d’obligation au résultat et encourage les membres à s’auto-discipliner pour atteindre les objectifs. On peut faire des rencontres hebdomadaires avec soi-même à défaut d’avoir une équipe. Cela permet de recentrer les efforts sur ce qui est toujours plus important.

Be lazy

Donner à notre cerveau des périodes de repos mental. Se déconnecter de nos préoccupations professionnelles ou principales permet à notre cerveau de se réorganiser et de compléter des tâches en arrière-plan essentielles.

  1. Le downtime aide à certaines prises de décisions complexes. Theorie UTT (unconscious thought theory) du psychologue Ap Dijksterhuis. L’esprit conscient peut réaliser des calculs précis régis par des règles strictes plus efficacement alors que l’inconscient est plus apte à résoudre des problèmes impliquant de grandes quantité d’information variées et des contraintes multiples et conflictuelles. Ceci s’expliquerait car l’esprit inconscient a accès à des zones du cerveau plus diffuses et donc un réseau neuronal plus profond (plus grosse bande passante) capable de traiter un plus grand nombre de solutions potentielles. C’est un peu comme comparer un ordinateur personnel pour calculer une intégrale triple versus un centre de données Google pour faire des meta-analyses statistiques sur des millions d’individus.
  2. Le downtime aide à recharger l’énergie requise pour le travail profond. ART ou attention restoration theory de Rachel Kaplan et Stephen Kaplan. Nous avons une quantité finie d’attention dans une journée et on peut la recharger en s’immergeant de stimulis diffus comme lors d’une marche en forêt plutôt que traverser la ville ce qui requiert un niveau d’alerte élevé pour éviter les accidents.
  3. Le travail réalisé le soir est peu profond et souvent au final pas important. Mieux vaut déconnecter.

Se créer un rituel de shutdown permet à l’esprit de réellement se déconnecter du travail et profiter du repos. À la fin de la journée de travail, revoir toutes les tâches en suspens et les réassigner dans son agenda ou sur une liste d’action. Ainsi le cerveau peut se déconnecter sans avoir peur d’oublier une tâche. Prononcer une phrase cliché pour conditionner son cerveau à déconnecter, par ex. “Shutdown complete”.

Règle 2 : accueillir l’ennui

Planifier des periodes déconnectées d’Internet. Notre cerveau à été recâblé par les réseaux informatiques et nous sommes toujours à la recherche de stimulis faciles.

Apprendre à attendre en ligne sans regarder son téléphone. Limiter l’internet au travail comme à la maison.

Combiner des tâches anodines avec la méditation productive; se pratiquer à résoudre des problèmes particuliers en revenant du travail ou à vélo plutôt que de laisser son esprit vagabonder.

Pratiquer sa mémoire en faisant des exercices de mémorisation. Cela développera notre capacité à focuser sur un seul sujet intensément.

Se donner des limites temporelles pour réaliser certaines tâches, si possible se commettre publiquement pour un livrable nécessitant beaucoup de réflexion. L’urgence de livrer le travail nous forcera à demeurer focus et renforcer notre attention.

Règle 3 : Quittez les réseaux sociaux

Ne pas utiliser internet uniquement car il apporte certains bénéfices sans considérer les effets négatifs et le coût d’opportunité. C’est l’approche “any benefit”.

Contrairement à l’approche “any benefit”, l’approche de l’artisan (comme jakob Lund Fisker) propose d’identifier les principaux facteurs qui déterminent notre succès et notre bonheur dans nos vies professionnelles et personnelles. Adopter un outil seulement si ses impacts positifs sur ces facteurs surpassent significativement les impacts négatifs.

Appliquer ce raisonnement aux outils numériques comme Facebook ou Twitter.

Limiter son temps d’accès à internet à des blocs de temps déterminés et quitter les réseaux sociaux.

Dresser une liste de deux ou trois principaux axes professionnels et personnels. Pour chacun d’eux, identifier les 2 ou 3 actions qui ont le plus d’impact sur l’atteinte de nos objectifs. Abandonner les autres actions qui ont un impact marginal et investir son temps uniquement sur celles en haut de liste.

Exemple:

La règle du 80/20 stipule que 20% de nos actions apportent 80% des résultats. Délaisser le 80% des autres actions moins productives.

Règle 4 : éviter le travail de surface (shallow work)

Mettre une heure limite rigide à notre journée de travail. Cela va augmenter la valeur de notre temps, apporter un sentiment d’urgence pour travailler sur ce qui est vraiment important et nous porter à refuser les invitations peu productives (meeting, projets peu profonds, courriels).

Planifier chaque minute de sa journée. Faire un plan à chaque début de journée dans un cahier, une ligne par demi-heure. Y inscrire les blocs de travail profond et les blocs de travail peu profond. Rester flexible et ajuster l’agenda si un imprévu survient. Prévoir plus de temps qu’estimé pour les blocs de travail profond et créer ds blocs tampons. Si jamais une idée significative et importante pour nos objectifs clés survient, être prêt à mettre l’agenda sur en attente.

Quantifier la profondeur de chaque tâche. Se demander combien de mois d’expérience sont requis pour qu’un jeune finissant puisse nous remplacer dans cette tâche. Prioriser celles qui demandent le plus d’expérience car ce sont elles qui repoussent notre niveau d’expertise et ont un retour par heure investie le plus élevé.

Le but est d’être délibéré avec l’usage de chaque minute de notre temps et ainsi éviter de se laisser distraire.

Avec tous les meetings, courriels, formations, obligations sociales et départementales, il reste peu de temps pour le travail profond.

Un esprit entrainé pourra faire maximum 4 heures de travail profond dans une journée. On ne manquera donc pas de temps pour répondre à ses courriels. Il faut en premier s’assurer de réaliser ses heures de deep work.

Courriels: devenir difficile à rejoindre

Il y a une convention sociale qui dicte de répondre à tous les courriels dans un délai raisonnable. Il faut briser les chaînes qui nous attachent à notre boîte de messagerie.

  • Faire travailler les autres s’ils veulent vraiment nous rejoindre. Créer un “filtre de l’expéditeur”. Écrire un court préambule qui baisse les attentes de recevoir une réponse seulement si le message apporte un plus à ma vie ou mes projets.
  • Répondre aux courriels de façon centrée sur le processus. Anticiper les prochaines étapes et proposer des options plausibles ou des moments de rencontre ou d’appel. Le but est de minimiser le nombre de communications futures. En libérant notre esprit de la charge mentale liée aux discussions en suspens, on a plus de ressources pour le Deep work.
  • Ne pas répondre aux courriels. Accepter les petits désagréments qui en découleront car se libérer de la tyrannie du inbox nous ouvrira de nouvelles opportunités.

ouverture

Le Deep work n’est pas pour tout le monde mais est un outil puissant et sous-estimé qui libère et décuple notre potentiel cognitif. C’est un levier essentiel pour se démarquer des masses distraites par les réseaux sociaux, les courriels et les normes sociales de connectivité. Nous avons le choix entre une vie confortable et divertissante à surfer sur les vagues du moment et une vie focusée, délibérée et stimulante qui rapportera bien plus sur les plans personnel et professionnel.

Pour faire sa place dans la nouvelle société post-moderne il faut se munir d’outils transformationnels comme le Deep work.

couverture




Par Philippe St-Jacques