Le fil du vivant de Elsa Pépin

Un OVNI dans la littérature québécoise, ce livre est un incontournable en ces temps de déluges annoncés. Montréal est sous les eaux alors que tout le Québec reçoit des pluies diluviennes depuis des mois. Forcés à l’exil, une petite famille se réfugie dans le nord pour le meilleur et pour le pire. Ce roman d’anticipation se situe en 2022 mais avec les orages du jeudi 13 juillet 2023, la réalité a rattrapé la fiction.

L’autrice parle longuement de la maternité, de la naissance brutale, du peau à peau puis du sevrage qui commence inéluctablement dès le premier jour. Je fus très touché par ces passages car je suis un papa poule.

Plusieurs histoires parallèles finissent par se recouper puis se fusionner quand la réalité devient floue, quand les jours au manoir se mêlent sur fond de ciel gris et pluvieux. On suit Iona jeune adulte dans ses trips de pilules sur plusieurs jours durant avec son fougueux amant Vas de l’époque. Puis quinze ans plus tard avec son amoureux Nils calculateur et prévoyant qui se préparera peut-être trop au pire.

Ce roman d’anticipation pose les bonnes questions en ce qui a trait à la posture survivaliste à prendre en cas de cataclysme. Est-ce qu’il vaut mieux compter sur l’entraide ou sur le chacun pour soi ? Peut-on faire confiance à autrui ou serons-nous trahis par les nôtres ? Loin d’être uniquement un livre post-apocalyptique, ce livre est porteur d’un message d’espoir puissant et féroce, pour qui aura le courage et la force de marcher dans les pas de Iona.

Faut-il combattre le changement pour conserver ses acquis, ou faut-il plutôt faire table rase et muter en même temps que l’environnement pour ne faire qu’un avec le monde nouveau ? Chacun a ses limites et nous serons mis à l’épreuve.

Les enfants guideront la voie car les adultes ont mis des oeillères.

Souviens-toi de la joie qui était là. Elle est encore là, juste endormie.

Je me suis promis de ne jamais oublier ces choses vivantes qui dorment dans l’obscurité.

Un roman qui vous donnera le goût de vérifier le fonctionnement de vos pompes de puisards mais surtout de parler à ceux que vous aimez dans le blanc des yeux et de les serrer fort dans vos bras.

page 178 une incroyable ode à Montréal




Par Philippe St-Jacques