Les abeilles grises de Andreï Kourkov
On dit que pour apprendre l’Histoire il faut lire des manuels d’historiens mais que pour savoir comment vivaient les gens à une certaine époque il faut lire une bonne fiction ou des journaux personnels. Ce roman de Kourkov confirme cette règle. On suit un apiculteur du Donbass qui habite dans la zone grise. Depuis la guerre de 2014 son village s’est vidé de ses habitants et cet ukrainien vit un huis clos avec son unique voisin pro-russe. Ennemis politiques ils sont forcés à être amis du quotidien.
Sergeï vit une relation trouble avec son ami-ennemi, marquée de dépendance et de méfiance. On découvre comment les gens peuvent vivre en 2022 dans un pays moderne mais sans électricité, courrier, service téléphonique ou même du pain frais. Des soldats enfouis dans la neige, des grenades en cadeau, un planque de sniper mystère dans le village. La petite histoire de la guerre.
Le temps d’un été notre apiculteur nous amène en voyage à travers les postes contrôles, la région de Zaporijia, puis la Crimée occupée par les russes. Au pays des Tatars il installe ses ruches et assiste à l’oppression des occupants sur les locaux Tatars et Ukrainiens.
Les abeilles grises font référence à la poussière des mines de charbon du Donbass, mais aussi à la grisaille de la guerre, qui efface les lignes entre amis et ennemis, qui force la compromission pour vivre et survivre.
Un excellent roman, c’était mon premier livre de cet auteur et je relirai du Kourkov.
Par Philippe St-Jacques