La nature est un champ de bataille de Razmig Keucheyan
Le capitalisme ne cesse de se réinventer. À chaque crise il parvient à tirer profit du désordre en occupant de nouveaux espaces de la vie humaine et de la nature. La réification des concepts ou ressources naturelles permet de les monayer. La titrisation et la financiarisation permet la spéculation et la création de valeur. Les assurances permettent de gérer le risque de catastrophes naturelles au point d’aplanir l’impact de ces évènements dans le temps sur plusieurs années et dans l’espace en assurant plusieurs régions, pour ainsi garantir au capitalisme un croissance malgré des désastres naturels. On explique que contrairement aux croyances que le capitalisme ne survivra pas la crise climatique, il survivra en créant de nouveaux marchés. Il faudra un mouvement social de fond pour en limiter l’emprise toujours croissante. On explique comment les assurances climat, récoltes, catastrophes (littéralement cat bonds ou catastrophy bonds) misent sur le risque ou non-risque d’occurence des évènements extrêmes. Ces titres sont échangés en bourse et noyés par les autres catégories de titres au point que les assurances de dommages climatiques représentent pour l’instant que 0,5% de tous les titres en bourse. Ces assurances sont garanties par la réassurance, des compagnies mondiales qui aplanissent leurs risques en couvrant plusieurs endroits dans le monde et plusieurs types de risques.
Militarisation du climat
Les armées jouent un rôle clé de la géopolitique du futur en sécurisant et en occupant les nouveaux lieux stratégiques émergeant des changements climatiques.
Les militaires prennent le changement climatique très au sérieux. Les militaires sont l’un des secteurs des élites - avec la finance - à être en mesure de réfléchir sur un durée allant de 30 à 50 ans, la temporalité pertinente pour penser les effets du changement climatique. La classe politique, de son côté, est victime d’un court-termisme qui la rend inapte à intégrerle changement climatique dans ses calculs. L’objectif quasi exclusif de ses représentants est en effet de se faire réélire au bout de quelques années. La guerre froide dura 30 à 50 ans. C’est aussi le temps pour inventer une nouvelle catégorie d’armement comme l’arme atomique. Le champ de bataille changera drastiquement avec la montée des eaux et on voit apparaître le concept de sea basing qui consiste à déployer toutes les troupes à partir de navires offshore, aplanissant les chaos sur le terrain.
La nouvelle guerre ou NG
Avec les NG, la distinction entre combattants et non-combattants, militaires et civils, tend à s’estomper. La distinction entre la guerre et la paix est auourd’hui caduque, elle a laissé la place à des états de violence permanents. Les NG sont des guerres de mouvement, où le front et les arrières, de même que les lignes de communication et de logistique, sont en évolution constante. Les guerres de guerilla sont une autre matrice des NG. On assiste aussi à un retour en force de la guerre de siège, tpique des guerres médiévales, dont le conflit en ex-Yugoslavie a donné plusieurs exemples. avec entre-autres les sièges de Sarajevo et Dubrovnik. Plus récemment en Crimée.
Plus des 2/3 de la population mondiale vivent dans une bande de 100 km à proximité des côtes.
À partir de l’anthropocène, l’humanité devient une force géophysique déterminante ayant des effets sur la biosphère.
80 % du pétrol consommé par l’État américain l’est par les forces armées ce qui explique l’extrême importance des réserves stratégiques. De plus 70 % du tonnage déplacé chaque jour sur les champs de bataille est du pétrole. Si on y ajoute l’eau on atteint 90 %. Ainsi 2,5 millions de gallons de pétrole étaient transportés chaque jour en Irak dans des conditions d’une grande dangerosité.
La vitesse de circulation du capital
Le capitalisme doit en permanance “détruire l’espace grace au temps”, en créant les technologies de transport et de communication qui lui permettent de réaliser la plus-value dans des régions du monde toujours nouvelles. Comme dans la mobilisation infinie, nous vivons une fuite en avant sans cesse renouvelée par la technique.
Le capital a une tendance inhérente à conquérir et transformer en marché la planète dans son ensemble. Le capitalisme doit en permanence accélérer la vitesse de circulation des marchandises pour minimiser le coût de leur acheminement et maximiser le profit. C’est ce phénomène que Marx appelle “destruction de l’espace grâce au temps”. Depuis le XIXe siècle l’accélération est rendue possible par les énergies fossiles, charbon puis pétrole: trains, voitures, bateaux, avions …
L’une des manières dont le capital résout les crises passe par l’espace, c’est-à-dire par plus précisément par l’installation des capitaux dans des espaces jusque-là vierges de rapports capitalistes. Ce concept de spatial fix de David Harvey que ce phénomène d’accumulation primitive tel que décrit par Marx n’est pas si primitive et se répète cycliquement au cours de l’histoire, à chaque fois qu’il faut résoudre une crise de suraccumulation de capital.
Les crises du capitalisme à venir seront inextricablement économiques et écologiques car les facteurs environnementaux seront désormais incontournables. Il suffit de penser au circuit court par la mer Arctique qui fond ou la nouvelle route de la soie.