En cas d’incendie, prière de ne pas sauver ce livre
Un livre à lire si vous voulez être angoissés par la crise climatique et le matérialisme destructeur de notre civilisation. De ce recueil d’essais j’ai particulièrement apprécié ceux-ci:
Guilty AF de Jonathan Roy. lecture à Plus on est de fous, plus on lit
Celle qui reste de Sonya Malaborza. Parle de l’espoir de sauver de la disparition certaines espèces par la préservation. Mais là est le drame, seule une poignée d’espèces seront sauvées de l’extermination. L’aster du Saint-Laurent Symphytrichum laurantianum s’agrippe aux substrats saumâtres des marais, peuple, à l’échelle de la planète, une poignée de sites qu’il a tous embrassés du regard. L’automne, elle sème au vent ses akènes pourvus de soies. Isolée de la mer par de longs cordons de dunes, elle croît sur le pourtour des lagunes, en marge des marais foisonnants. À peine documentée, sa fleur a quitté le Barachois à force de grains, ensevelie sous le sable ou noyée par des cours d’eau déviés. Quelques grosses tempêtes auront suffi pour faire de son habitat un paysage hostile.
Égoportrait du poète en burnout, de Sébastien Lord-Émard. Sur l’épuisement de toujours défendre des causes face au torrent d’indifférence. La boîte de Pandore est ouverte.
Quand s’accumulent les raisons de désespérer (de soi, des autres, de la pérennité du monde), quand la fatigue de l’esprit se conjugue avec la fatigue du corps, le danger est de perdre contact avec le réel. de s’effondrer sus soi-même comme une étoile. Ou comme une civilisation. Combustion spontanée. Burnout.
Le temps suspendu… Le temps en sursis. Comme dans le poème d’Ingeborg Bachmann: “Des jours plus durs viennent. / Le temps en sursis révocable / devient lisible à l’horizon.” Lacer ses chaussures est trop difficile, les chiens aboient dans les marais et les lupins se consument lentement. Quelque part, quelqu’un meurt immolé par le feu.
Bachmann, Ingeborg. Toute personne qui tombe a des ailes., Poèmes 1942-1967. Gallimard, Paris, 2015.
J’y ai appris les manuscrits du scribe égyptien Ipou-Our à l’âge du bronze il y a 40 siècles qui dénonçait la fin du monde, de son monde.
Homo procrastinatus au carnaval pour mieux construire notre destruction, de Gisèle Villeneuve
Nous sommes autant cigales que fourmis, notre divertissement divisé à parts égales entre chanter et travailler. Car rappelons-nous que le travail, qu’il soit l’impératif créatif avec ou sans garantie de succès ou qu’il soit alimentaire, est aussi un divertissement. Le verbe “to divert” existe encore en anglais, de l’ancien français “divertir” dans le sens de “détourner”.
Par Philippe St-Jacques