Plaidoyer pour l’arbre de Francis Hallé

définition d’un arbre

On dresse une définition simple de l’arbre:

  • au moins 2 mètres de hauteur
  • la verticalité avec un ou plusieurs troncs rigide autoportant, à cambium ou non
  • n’a pas besoin de branches. Un arbre sans branche est dit “monocaule” (fougères, palmiers, Cycadales). Trois modèles architecturaux monocaules: Corner, Holttum et Chamberlain.
  • Longévité: durée de vie minimale de 50 ans pour les arbres pionniers jusqu’à plus de 1000 ans pour les pinacées (par ex. pin de Bristlecone, épinettes), thuyas, chênes, sapin de douglas, Cupressaceae comme le Séquoïa géant.

effet de la latitude

Des plantes qui ne sont que des petites plantes sous les latitudes tempérées peuvent être des arbres sous les tropiques dans la même famille. Par exemple les graminées qui deviennent des bambous de 40 mètres de haut, la Rue Ruta qui devient le Teck australien (1m), l’Ortie Urtica qui a une soeur Dendrocnide logifolia de 10 m en Nouvelle-Guinée. L’auteur dresse une liste de 20 familles comportant une telle variation en taille dans la même famille, toujours sous l’effet des latitudes et du climat chaud et humide.

architecture des arbres et effet de la latitude

Il existe 22 modèles d’organisation des arbres. Plus on s’éloigne de l’équateur moins ils sont représentés.

Origine purement endogène. Peu importe l’environnement, l’âge ou l’endroit où est planté un arbre il suivra le même modèle propre à son espèce.

Indépendantes du genre ou de la famille. Dans le genre Magnolia ou Acer, différentes espèces utilisent différentes architectures.

UR : unité de réitération

Réitération peut être programmée ou catastrophique. Mécanisme de survie, de réparation, de reproduction. Un tronc se casse par le vent, une nouvelle tête se forme. L’arbre est couché, une branche prend la dominance apicale.

Plus l’arbre vieilli, plus les UR sont simples et portent des fleurs rapidement. La forme ultime d’une UR est une simple tige fleurie au bout d’un rameau.

organisation coloniaire

L’étude des UR révèle que les arbres sont en fait des colonies d’individus génétiquement identiques partageant le même réseau vasculaire.

Une analyse des branches indique que même chez les feuillus tempérés des “racines” propres au UR existent sous l’écorce et fusionnent avec les conduites déjà en place dans la branche ou le tronc.

variations génétiques dans un même arbre

Les UR d’un même arbre peuvent même posséder un génotype différent, ce qui veut dire que différentes branches portent une génétique différente. Ces mutations à l’intérieur du même arbre serait un mécanisme de résistance aux changements de son environnement. L’arbre ne peut pas migrer si les conditions deviennent plus arides ou humides contrairement à un animal.

Les arbres millénaires issues de clones végétatifs évoluent donc au gré des réitérations pour s’adapter à son environnement.

forme cauliflore

Le Cercis canadensis montre une architecture cauliflore. Il porte ses fleurs et fruits sur le tronc et les branches comme le jaquier.

timidité

La timidité existe au sein d’un même arbre, entre les UR principales. Ceci vient confirmer la nature coloniaire des arbres.

croissance rythmique

la croissance rythmique assurerait la longévité des arbres.

méthylènes sont des molécules de stress pour l’arbre qui engendrent le vieillissement cellulaire. Les pauses dans la croissance viendraient estomper leur effet.

les créatures à croissances continues n’auraient pas cet avantage.

ode aux arbres

L’auteur nous explique la grande et la petite histoire de l’hévéaculture ou culture de l’arbre à caoutchouc (Hevea brasiliensis). De sa découverte par les colons, les barons du caoutchouc dans la brousse amazonienne, puis les compagnies Britanniques qui exportent la culture de l’hévéa dans leurs colonies asiatiques, enfin les géants américains de l’automobile (Ford, Michelin) qui essaient de produire de façon industrielle dans la forêt centraméricaine. Ford a investi des millions pour des plantations immenses d’hévéa qui ont été décimées à deux reprises par une maladie fongique qui empêche sa monoculture. Manaus au brésil était une ville prospère au 19ème siècle à cause des barons du caoutchouc. La seconde guerre mondiale a mené les allemands à développer du caoutchouc synthétique mais finalement le caoutchouc naturel a de meilleures propriétés et coûterait moins cher en plus d’être un formidable puis à carbone au lieu d’en générer. Juste pour cette section ce livre est un trésor de recherche et d’histoire. La science moderne a permis de trouver des souches résistantes au champignon Microcylus dans le fin fond de l’Amazonie péruvienne, le long du Rio Acre. On greffe ces pousses pour obtenir des plantations résistantes en Amérique centrale. Cette section est littéralement un livre dans le livre.

On découvre toutes sortes d’arbres fascinants, comme le jaquier, le figuier étrangleur, le bambou, l’eucalyptus, des arbres épiphytes, le baobab, le durian et plusieurs autres.

Le macrobouturage consiste à planter une grosse branche en guise de bouture avec les essences tropicales, ou les saules et peupliers en région tempérée.

La soudure d’arbre qui consiste à souder plusieurs semis pour obtenir un système racinaire quatre fois plus fort.

On termine avec une explication de l’origine de l’homme, primate arboricole qui a d’abord développé la verticalité en se déplaçant d’arbre en arbre suspendu sous les branches. Quand il dut faire quelques pas au sol pour se nourrir quand l’Afrique se changea de forêt tropicale en savane, il apprit à marcher puis à regrimper dans l’arbre de façon verticale.

Les arbres existeraient sans les hommes, malgré les quelques améliorations qu’on leur apporte. Sans les arbres l’homme n’existerait pas. Nous leur causons bien plus de tord que de bien en les abattons systématiquement. Il suffit de regarder ce qu’on fait au brésil, ou avec les parasites que nous introduisons partout dans le monde.

L’homme ne peut pas construire une tour de 100 mètres avec une empreinte au sol de 2 mètre de diamètre qui tient dans un sol meuble montrant au vent une surface de 15 hectares en seul bois, sans matériaux exotiques.




Par Philippe St-Jacques