Le hêtre de Robert Bourdu

Chaque hêtraie est un lieu magique où tout semble en harmonie: la fluidité de la lumière, la douceur et les vibrations de l’air, la souplesse du sol et la puissance des troncs, les “vivants piliers”.

Ce petit livre de poche permet de se familiariser avec l’histoire humaine et biologique du hêtre.

On y apprend que de nombreux mots, patronymes et toponymes de la langue française proviennent du nom de cet arbre. fau, fayard, fay, fou, fouteau, fayette, athie, hagède, hay et bago..

En anglais on dit Beech qui signifie “livre”. Ce sont des plaquettes de bois de hêtre qui portent gravés les textes runiques.

Le hêtre est une espèce de l’étage montagnard. Chez le hêtre, la vapeur d’eau s’échappe par les stomates mais aussi, en quantité non négligeable, au travers des surfaces qui séparent ces pores, ce qui est exceptionnel. Il transpire deux fois plus d’eau qu’un chêne et ne tolère donc pas les forêts plus sèches, le temps chaud et sec et le soleil violent. Il doit avoir les pieds dans un sol humide, frais et drainant. On le retrouve en présence de pins sylvestres en Europe et d’érables et sapins en Amérique. Ses jeunes pousses sont fragiles aux gelées tardives.

Il n’aime pas les espaces découverts et préfère déployer tranquillement ses jeunes branches à l’abri des autres espèces. Quand une ouverture dans la voûte se crée, il peut prendre le dessus et dominer ses voisins. Ses racines puissantes en surface peuvent étouffer un chêne avoisinant.

faînes: fruit du hêtre

faînée: production de faînes, glandée chez le chêne

un réfugié climatique

Il y a 50 millions d’années, à l’Eocène, vivait en Europe son ancêtre, un hêtre à très grandes feuilles. Il se maintint en Europe centrale puis fit place, au Pliocène, à une autre espèce, le hêtre d’Orient, qui subsiste de nos jours. Le climat était alors chaud et humide, favorisant une longue saison végétative. On trouvait à profusion le charme, l’aulne, le peuplier, l’orme et l’érable mais aussi le laurier rose, le plaqueminier et le tulipier, liquidambar et même le bambou.

_Avec les premières glaciations du Pléistocène ou du Quaternaire, le hêtre d’orient se réfugie sur les côtes sud de la mer Noire et de la mer Caspienne ainsi qu’en montagne dans le Caucase. C’est au cours d’une période intermédiaire, tempérée, qu’apparaît le hêtre actuel, il y a sept cent mille ans.

Quand les températures se stabilisent ou se réchauffent après les périodes glaciaires, il y a environ huit mille ans, le hêtre est confiné comme un ours frileux dans les Pyrénées centrales. Il se hasarde enfin à descendre des montagnes pour peupler les très humides Pyrénées atlantiques. Puis, il y a de cela quatre mille ans, par étapes, se constituent les premières hêtraies de France._

biotope

Le hêtre étouffe efficacement toute lumière sur le sous-bois et seules quelques plantes adaptées survivent sous la canopée. Les jacinthes des bois et l’anémone sylvestre fleurissent avant la feuillaison.

On trouve aussi la néottie nid-d’oiseau, une petite orchidée qui n’a pas de chlorophylle et n’a donc pas besoin de lumière pour survivre. Elle vit au dépens des matières organiques mortes qu’offrent les feuilles et le bois décomposés. Ce mode d’alimentation caractérise les végétaux qu’on dit saprophytes.




Par Philippe St-Jacques