Science de la forêt - Tome 1 de Bruno Boulet

Les arbres au fil des saisons

L’automne est un deuxième printemps où chaque feuille est une fleur. - Albert Camus

Les arbres fabriquent de l’eau

L’eau captée par les racines et qui se rend dans les chloroplastes est brisée par la réaction de photosynthèse pour libérer l’oxygène est prendre l’hydrogène pour produire des glucides.

L’oxygène produit par photosynthèse (O2) vient de la photolyse (la scission) des molécules d’eau (H2O). L’eau nouvellement produite provient plutôt de l’oxygène contenu dans le gaz carbonique de l’air absorbé par le feuillage.

  • Photorespiration: L’eau est produite en combinant O2 du CO2 de l’air et les sucres de la photosynthèse.
  • Respiration mitochondriale: Les arbres produisent de l’eau en combinant le sucre et l’oxygène (O2) de l’air.

Durant la photorespiration (diurne) et la respiration nocturne, l’arbre produit de nouvelles molécules d’eau qui n’ont jamais existé sur Terre.

  • Pour produire une tonne anhydre de bois dans la forêt tempérée nordique il faut 200 à 350 tonnes d’eau.
  • Produire une tonne anhydre de bois génère 541 kilos d’eau nouvelle.
  • L’oxygène libérée dans l’atmosphère provient uniquement de l’eau absorbée par les racines.
  • L’oxygène contenu dans les glucides (C6H12O6) provient du CO2 contenu dans l’air.
  • L’eau nouvellement produite par photosynthèse se retrouve dans la sève élaborée du phloème, chargée de glucides nourriciers.
  • L’eau nouvellement produite par photosynthèse circule pour la première fis dans le cycle hydrologique.

Un hêtre à grandes feuilles mature de 80 à 100 ans avec une couronne de 15 m de diamètre et une surface foliaire de 1600 m2 produit en une heure:

  • 1.71 kg d’oxygène
  • 1.6 kg de glucides

En consommant:

  • 2.4 kg de CO2
  • 96 kg d’eau
  • 25.5 kilojoules d’énergie thermique

photosynthèse

6 CO2 + 12 H2O + Énergie solaire -> C6H12O6 + 6 O2 + 6 H2O

Ref: Zurcher, 2016, Les arbres, entre visible et invisible: s’étonner, comprendre, agir. Actes Sud, Arles.

Respiration diurne ou photorespiration

De jour, lorsque les chloroplastes sont actifs et que les stomates sont ouverts, l’arbre peut respirer au moyen de l’enzyme RuBisCO qui capte les molécules d’oxygènes et libère le CO2.

RuBisCo : enzyme Ribulose-1,5-Bisphosphate Carboxylase/Oxygénase

RuBisCo est un catalyseur qui active des réactions biochimiques à l’intérieur des feuilles. Elle est bifonctionnelle, c’est-à-dire qu’elle agit non seulement comme une carboxylase qui retient les molécules de CO2 mais aussi comme une oxygénase qui retient les molécules de O2.

L’activité oxygénase fixatrice de O2 est donc en compétition avec l’activité carboxylase fixatrice du CO2.

La photorespiration diurne se déroule au détriment de la photosynthèse. Elle a lieu dans les chloroplastes des feuilles, à la place de la photosynthèse qui devrait normalement avoir lieu.

Par temps secs, quand le température dépasse 30 C ou que le temps est nuageux ou sombre, la respiration diurne consomme de l’énergie plutôt que d’en produire. Quand les stomates se ferment pour réduire la transpiration et l’entrée de CO2. Cela active le mode Oxygénase et la photorespiration supplante la photosynthèse.

La respiration diurne des arbres utilise déjà plus de 30 % des glucides produits par photosynthèse et s’accentue par temps chaud ou sec.

Respiration mitochondriale

C6H12O6 + 6O2 -> 6CO2 + 6H2O + Énergie

Se produit sans l’apport des chloroplastes et de l’enzyme RuBisCO

Cela explique par exemple le phénomène des rivières volantes dans les forêts tropicales. Quand la photosynthèse dépasse la respiration, l’arbre consomme plus d’eau qu’il en produit et au net la photosynthèse l’emporte globalement.

l’eau au coeur des réactions dans l’arbre

5 % de l’eau sert à la photosynthèse. 95 % de l’eau absorbée par les racines est perdue par transpiration. Elle laisse au passage les minéraux requis pour la production de tissus par l’arbre.

la fabrication de tissus

Les arbres assimilent les nitrates et convertissent les glucides en métabolites primaires: protéines, enzymes, acides nucléiques, acides aminés,, amides, phytohormones et alcaloïdes.

Les métabolites primaires dérivés de l’azote (protéines et enzymes) ne représentent qu’une faible proportion du poids sec total, puisqu’ils se trouvent seulement dans les cellules des feuilles, les méristèmes apicaux, le cambium et autres tissus vivants du tronc et des racines.

Les glucides et les métabolites voyagent dans la sève élaborée et circulent vers le bas du tronc dans le liber, une couche vascularisée de l’écorce interne.

acériculture

L’eau d’un érable à sucre ou d’un érable noir contient 2 à 10 % de saccharose, mais se situe surtout autour de 2.5 à 3.5 %. C’est le double de l’érable argenté et le triple du bouleau à papier.

Quand on entaille un érable à sucre, on lui soutire de 4 à 10 % de ses réserves de sucre.

pigmentation automnale

pigments rouges

anthocyanes de jeunesse: protection des nouvelles pousses des UV et des prédateurs anthocyanes de sénescence: protection contre le gel hâtif et indicateur d’un haut taux de glucides dans les feuilles et la sève raffinée.

pigments jaunes

xanthophylles: bouleaux, ginkgos, mélèzes

pigments orangés

caroténoïdes: sorbier d’Amérique

Certains arbres font fi des signaux annonçant l’hiver. Les feuilles restent actives jusqu’au premier gel et tombent encore vertes. C’est le cas de plusieurs espèces acclimatées ayant à l’origine une plus longue saison de croissance comme l’érable de Norvège, l’érable giguère, le Nerprun cathartique. Ces espèces ne récupèrent pas les glucides et produits azotés stockés dans la feuille. C’est une perte nette.

marescence

La marescence est une protection contre le vent pour les bourgeons. C’est une protection contre le froid et la dessication par le vent. Ce trait est surtout observé sur les jeunes arbres et les branches à l’intérieur des arbres matures, en sous-bois.

Les feuilles marescentes ne forment pas une zone de rupture à la base du pétiole mais plutôt des thylles, soit un amas de cellules des parenchyme qui bloquent la circulation de sève et inhibent l’action des phytohormones.

Commun chez les chênes, hêtres, charmes

phytohormones

cytokinines: activent au printemps la production des chlorophylles, amorcent le débourrement et l’étalement des feuilles, stimulent l’élongation des pousses et favorisent la translocation des produits de la photosynthèse vers le phloème. Les hormones retardent la sénescence des feuilles en fin de saison.

Source: Kramer P. J. et T. T. Kozlowski, 1960. Physiology of Trees. McGraw-Hill Book Cie.

auxine: pendant la phase d’élongation des pousses, les feuilles produisent des auxines qui les insensibilisent aux effets débilitants de l’éthylène. À la fin de l’été la production d’auxine diminue et peu à peu puis s’arrête complètement. Les cellules du pétiole s’exposent alors à des concentrations de plus en plus élevées d’éthylène produit en réaction aux stress, aux stimuli externes, comme le froid, la sécheresse, les blessures, l’asphyxie des racines, etc.

L’auxine produite par les bourgeons apicaux supprime la croissance des bourgeons latéraux chez les espèces à dominance apicale. Elle stimule la production de racines. Si on coupe les bourgeons apicaux, l’arbre produit moins de racines et investit son énergie dans la production de plus de masse foliaire, ce qui explique le phénomène de “rebond” suite à la tailles.

pour lire plus sur l’auxine

L’éthylène est à l’origine de abscission foliaire bloquant les vaisseaux du pétiole et menant à la sénescence, puis à la chutes des feuilles.

la glaciation pléistocène

Il y a très peu d’espèces d’arbres en Europe avec des couleurs rouges à l’automne comparativement à l’Amérique du Nord ou l’Asie. Cela s’explique car les chaînes de montagnes en Amérique et en Asie sont orientées dans l’axe Nord-Sud. Lors de l’avancée de la calotte glaciaire les arbres ont pu se réfugier vers le sud et reconquérir les hautes latitudes lors du retrait de la calotte.

En Europe les alpes sont orientées Est-Ouest et ont créé une barrière infranchissable par les arbres.

La reconquête en Europe a débuté il y a 10 000 ans à partir de populations reliques en Espagne, en Italie et dans les Balkans. La diversité réduite de la flore forestière reste encore pauvre de nos jours par rapport à celles des autres continents.

De nos jours il existe seulement 24 espèces indigènes à feuilles rouges en Europe dont 4 sont arborescente. En Amérique du Nord on compte 62 espèces d’arbres feuillus à feuilles rouges et 152 espèces en Asie.

Le frêne est une espèce qui a évolué très au Nord. Ils occupaient la région circumpolaire à la fin du Tertiaire! Cela explique que le frêne rouge est la première espèce à aoûter et la dernière à débourrer. Elle a la plus courte des saisons végétatives.

À l’opposé, le chêne est un des derniers à perdre leurs feuilles et cela s’explique par leur origine tropicale.

la dormance hivernale

paradormance: préparation de l’arbre lorsque les températures baissent et que la photopériode diminue. Se termine par la chute des feuilles. Les feuilles mortes emportent les déchets métaboliques et les polluants atmosphériques emmagasinés dans leur limbe durant la saison de végétation.

Les feuilles mortes contiennent 20 % à 50 % de l’azote que les arbres absorbent pendant la saison de végétation.

Les racines se gorgent d’eau et de sels minéraux avant que le sol ne gèle.

endodormance: repos prolongé de l’arbre durant l’hiver. Il utilise un partie de l’amidon stocké pour l’hydrolyser en sucres solubles qui ont un effet antigel.

écodormance: réveil progressif de l’arbre au printemps. Le débourrement requiert l’accumulation d’unités de chaleur propres à l’espèce. La sève commence à monter, les bourgeons gonflent mais n’ouvrent pas tant qu’une certaine température diurne est atteinte. C’est pourquoi on a parfois l’impression que le printemps s’étire avant que les bourgeons puissent éclore.