Dans la peau d’un arbre de Catherine Lenne

Je recommande ce livre à quiconque veut comprendre comment fonctionne un arbre. J’ai lu les 500 pages d’une couverture à l’autre même si plusieurs sont très chargées en explications scientifiques. Voici mes notes de lecture résumant ce que j’ai appris en lisant ce livre.

le plus ancien angiosperme vivant

Amborella trichopoda, petit buisson actuel des sous-bois des forêts humides de Nouvelle-Calédonie. Considéré comme la plus ancienne plante à fleurs vivant sur la planète, seul survivant de sa lignée et dernier témoin de l’émergence des plantes à fleurs il y a 140 millions d’années. Il serait plus ancien que les Magnolias.

l’arbre se construit par superposition de couches successives de bois

Ne pas manquer l’oeuvre Cedro di Versailles ou encore Hidden Life Within. Une sculpture de l’italien Giuseppe Penone, adepte de l’arte povera, a récupéré le tronc d’un cèdre du parc de Versailles abattu par la fameuse tempête de Noël en 1999. Il a évidé le tronc du cèdre, enlevant délicatement cerne après cerne comme s’il remontait le temps, dans l’espace d’une fenêtre. Il a ainsi retrouvé le jeune arbre prisonnier au coeur du vieil arbre.

chimie de la photosynthèse

6 CO2 + 6 H2O + ÉNERGIE => C6H12O6 + 6 O2

Les feuilles sont des fermes photochimiques capable de transformer les gaz, capter l’énergie lumineuse et en produire les sucres qui alimenteront la respiration cellulaire.

Je suis fasciné par la “magie” de l’arbre qui transforme des gaz en matière solide, sucres, lignine, cellulose, etc. Une table en bois ou une poutre sont composées d’air “solidifié” par l’arbre.

100 chloroplastes par cellule verte, des dizaines de milliers de cellules vertes dans une feuille (40 000 dans une aiguille d’épinette), soit quelques millions de chloroplastes par feuilles, chacun bourré de millions de molécules de chlorophylles.

5 % de l’énergie reçue par le houppier est transformée en sucres car il y a énormément de pertes lors du processus de transformation.

Parenchymes lacuneux et palissadiques, épidermes (P. 167)

respiration cellulaire

C6H12O6 (glucose) + 6 O2 => 6 CO2 + 6 H2O + ÉNERGIE

L’énergie est transformée en ATP ou adénosine triphosphate, petite monnaie hautement énergétique.

L’arbre fait donc la photosynthèse et la respiration cellulaire de façon simultanée mais la photosynthèse l’emporte. Au moins 30% du carbone fixé par photosynthèse est rejeté par la respiration.

les feuilles des panneaux solaires optimaux

J’imaginais les feuilles comme de simples pellicules de cellules vertes qui captent la lumière filtrant simplement au travers.

J’avais tout faux!

La feuille est organisée en structures multiples:

  1. épiderme supérieur: produit le cuticule et protège les cellules de la déshydratation
  2. parenchyme palissadique: cellules photosynthétiques organisées en rangs verticaux, qui forment des tubes optiques concentrant et focalisant la lumière
  3. parenchyme lacuneux: cellules photosynthétiques organisées de façon à produire des cavités qui réverbèrent les photons pour maximiser leur absorption
  4. épiderme inférieur: produit le cuticule, protège les cellules de la déshydratation et surtout comporte les stomates qui s’ouvrent et se referment pour laisser entre l’eau et les gaz

Les stomates sont formée de deux cellules qui laissent l’espace les séparant s’ouvrir et se referme, comme des muscles à l’échelle cellulaire.

Les feuilles du houppier sont différentes de celles situées au bas de l’arbre plus à l’ombre. Les feuilles du haut de l’arbre ont plus de parenchyme palissadique pour capter plus de lumière alors que les feuilles du bas sont moins épaisses et captent la lumière résiduelle.

fixation du carbone atmosphérique

Le bois sec est composé à 50 % de carbone atmosphérique capté!

Le CO2 est très dilué dans l’air. 400 ppm ou 0.04 % de la composition de l’air, soit à peine 400 mg de CO2 pour 1 kg d’air, qui, lui, est contenu dans 816 litres d’air (près d’un mètre cube).

Il y a 0.01 % de carbone dans l’air. Pourtant je le répète: le bois sec est composé à 50 % de carbone atmosphérique capté !

Il faut 1,851 kg de CO2 pour produire 1 kg de bois sec. Pour récupérer ces 1,851 kg de CO2 l’arbre doit filtrer 3776 mètres cubes d’air. Soit un peu plus de 4,6 tonnes d’air pour faire 1 kg de bois.

mécanique de pompage osmotique de la sève

L’arbre peut pomper de l’eau théoriquement à plus de 200 mètres de hauteur par capillarité grâce à la loi de Jurin. La plus petite conduite dans laquelle passe l’eau mesure 15 nanomètres soit l’espace intracellulaire entre les parois cellulosiques des cellules des feuilles entourant les lacunes par où l’eau s’évapore.

Osmose I

En sécrétant des électrolytes et des sucres au coeur de la racine, l’arbre crée un différentiel de pression et aspire l’eau par osmose vers le xylème.

Osmose II

La sève brute est créé de toute pièce dans le xylème. L’arbre filtre les éléments minéraux et molécules amenées par la racine jusqu’à la membrane appelée endoderme. Celle-ci entoure les tissus vasculaires de la plante (phloème, xylème) et agit comme une sorte de placenta qui protège l’arbre des toxines du sol.

totipotence

Chaque cellule vivante de l’arbre est une cellule souche potentielle qui peut se dédifférencier et régénérer tous les tissus de l’arbre. C’est le phénomène de dédifférenciation qui permet la réitération (par exemple fourche de la cime, rejets de la souche ou cal cicatriciel suite à une coupe).

Les bourgeons adventifs existent partout sur l’arbre même si on ne les voit pas. Ils sont sous l’écorce et se prolongent comme des tubes (ou rayons) vers l’extérieur à mesure que le diamètre du tronc augmente pour rester en surface.

tissus du bois

2 méristèmes dans le tronc ou les branches:

  1. cambium qui produit le liber vers l’extérieur et le xylème ou aubier vers l’intérieur.
  2. phellogène dans le liber qui produit du liège ou écorce vers l’extérieur

Quand un arbre subit un stress hydrique et que des bulles d’air viennent rompre la colonne d’eau dans une conduite du xylème ou un capillaire, l’arbre condamne la conduite pour limiter les dommages causés par l’embolie. L’arbre cloisonne et sacrifie le vaisseau perdus en les bouchant par thyllose.

Une infime partie de l’arbre est effectivement vivante!

Le coeur du tronc, le bois, est composé de cellules mortes. L’arbre ne maintient pas en vie inutilement des cellules car elles consomment des sucres et doivent respirer. Les cellules produites par le cambium ou le phellogène sont donc programmées génétiquement pour se suicider, pétrifiées dans la lignine. C’est l’apoptose (P. 77).

Le bois est cliniquement mort mais actif pour la circulation de sève grâce à des conduites aménagées à même les cellules mortes. Plus grandes chez les feuillus, avec le chêne champion à 0.5 mm de diamètre, et de la taille de quelques cellules chez les résineux.

  • xylème: sève brute, situé dans l’aubier sous le cambium
  • phloème: sève raffinée, situé dans le liber par-dessus le cambium

Une exception: l’aubier contient des cellules vivantes organisées le long de rayons transversaux. Leur fonction est d’accumuler l’amidon produit par la photosynthèse et de stocker ces réserves pendant l’hiver.

la lignine procure étanchéité et rigidité au bois

Le bois est un matériau composite organisé comme un béton armé. Les cellules sont attachées entre elles par des chaînes de glucose. Dans le bois, les parois cellulosiques des cellules sont imprégnées de lignine, un polyphénol complexe qui polymérise en réseau entre les câbles de cellulose de la paroi, dans la matrice. Son deuxième effet est l’imperméabilisation de la paroi, car cette substance phénolique est hydrophobe, ce qui étanchéise les parois cellulaires (P. 76).

racines

Exsudats dans le sol: 30% du carbone capté par photosynthèse , sucres et hormones de croissance pour nourrir la vie microbienne, fongique et micro-organismes protecteurs, qui sécrètent des antibiotiques et fongicides contre les organismes néfastes.

“On appelle rhizosphère le petit volume de sol proche de la racine, affecté par elle et l’influençant en retour. Dans ce petit volume de sol se développe un incroyable microbiote qui prolifère tout contre et à proximité de chaque minuscule racine. Les micro-organismes qui vivent là, cachés entre les filaments de champignons entrelacés, profitent des relargages de matière organique que la racine ne manque pas de faire en continu car elle sécrète beaucoup de substances dans le sol. Ce sont des exsudats, toute une panoplie de petites substances carbonées comme des métabolites de défense contre les pathogènes du sol ou des hormones de croissance. Ce sont aussi des mucilages, des gros sucres qui s’imbibent d’eau dans le sol, formant une sorte de mucus qui lubrifie les pointes racinaires et aide à leurs progression souterraine. La pointe racinaire perd aussi des cellules mortes comme une peau qui pèle, ce qui participe à l’enrichissement de la rhizosphère en molécules carbonées.”

La rhizodéposition, ou quantité de ces dépôts racinaires de carbone, est estimée à près du tiers du carbone fixé par la photosynthèse de l’arbre.

microbiote

Le peuplier a un microbiote dix fois plus varié que celui de l’humain.

chênes

  • Chêne pédonculé (Quercus robur ou chêne anglais): les fleurs et les glands pendent au bout de pédoncules.
  • Chêne sessile: les fleurs sont collées et les glands sont sans queues.

Les chênes ont une origine tropicale, ce qui explique la dormance relativement légère de leurs glands et leur capacité opportuniste à produire plusieurs pousses durant l’été (jusqu’à 3 selon les conditions).

couleurs d’automne

Quand les feuilles son abscisées, avant leur chute, l’arbre récupère les sucres, minéraux et nutriments contenus dans la feuille via les nervures encore actives. Plus de 70 % de l’azote et du phosphore sont ainsi récupérés. La feuille une fois tombée aux sol sera décomposée et nourrira le sol qui nourrira l’arbre les années suivantes.

La chlorophylle est le pigment dominant dans la feuille photosynthétiquement active. La chlorophylle est constamment fabriquée et détruite par les chloroplastes, ce qui fait que sa concentration se maintient dans la feuille. Ceci explique aussi que les jeunes feuilles ont des couleurs rouges car la chlorophylle n’a pas encore dominé les anthocyanes. Quand la feuille meurt, elle récupère ses nutriments et cesse de produire la chlorophylle ce qui permet aux autres pigments de s’exprimer.

La couleur rouge serait réservée aux espèces qui doivent maintenir en vie des feuilles à des températures près du point de congélation. Les anthocyanes procurent une protection contre le froid et cela explique que les érables à sucre ont une teinte si rouge.

pigments

  • Anthocyanes: donne la couleur rouge aux feuilles à l’automne et sur certaines variétés (Fagus, Lithops var purpurea), procure de multiples avantages de protection aux jeunes pousses (anti-froid, antiparasites, repousse les herbivores, absorbe les rayons UV).
  • Caroténoïdes: donnes les couleurs jaunes à orange, captent l’énergie lumineuse dans les longueurs d’ondes du rouge au violet et la transfère à la chlorophylle

phytochromes

Un phytochrome est un photorécepteur présent chez toutes les plantes terrestres, des algues streptophytes, des cyanobactéries et autres bactéries, des mycètes et diatomées.

Il permet à la plante de régler son cycle circadien, induire la floraison, s’orienter dans l’espace (héliotropisme, autoélagage, étiolement), induire la germination et moult autres mécanismes qui dépendent de la lumière pour s’orchestrer.




Par Philippe St-Jacques