point de mire

Acadie

Une image peut signifier plusieurs choses selon le regard qu’on y pose.

J’ai pris cette photo dans l’avion en revenant de la Nouvelle-Écosse. Ce bras de terre abrite la vallée d’Annapolis, Grand-Pré et Port-Royal.

En 1755 survient la déportation du peuple Acadien. En Europe la guerre de Succession d’Autriche a épuisé les grandes puissances et la guerre de sept ans s’amorce en Amérique. Les Britanniques craignent que les Acadiens se rallient aux Français du continent et à leurs frères Micmacs.

Le gouverneur Charles Lawrence ordonne de remplacer la population française par des colons anglais. Nettoyage ethnique. Femmes, hommes et enfants sont séparés comme du bétail. Les terres fertiles des Acadiens arrachées à la mer grâce aux aboiteaux sont confisquées et données aux colons venus de la Nouvelle-Angleterre.

Du haut des airs on peut voir les voiliers par centaines remplir la baie de Fundy. Les vagues frappent les coques dans un vacarme incessant. Les cordages tendus crient dans le vent et la fumée des fermes incendiées voile le ciel. L’air salin emplit les poumons de ces gens dépossédés, déshumanisés. Les habits rouges forcent les hommes sur la passerelle au bout de leurs baïonnettes. La plupart mourront en route. La majorité des survivants ne reverront jamais la mère patrie, condamnés à l’exil, aux travaux forcés et à l’assimilation.

Dans une simple image on peut voir toute la tragédie de l’Amérique française inachevée ou le moteur CF34 d’un Embraer 175.

Tout est question de perspective.




Par Philippe St-Jacques