Désert alimentaire

La fermeture du Marché Tradition sur la rue Lajeunesse m’a ébranlé comme plusieurs d’entre-vous. Pas parce que les basilics enroulés dans le cellophane ou la panoplie de gâteaux Vachon vont me manquer (quoi que les kits de tacos à rabais, oui). Mon fils la nommait affectueusement « la petite épicerie ».

Non la fermeture du tradition révèle une réalité qui n’était pas bien vue de tous.

Le Tradition était un commun, où tout le monde venait renflouer son garde-manger. Tous les citoyens y venaient peu importe qu’ils habitent un 2 et demie mal chauffé ou un duplex transformé en cottage à 1.2 millions sur la rue Foucher.

Le Hydro-Max devenu Snack Town abrite désormais la samaritaine. Quand j’ai appris que la Samaritaine emménageait dans ces locaux, je me suis dit que c’était une bonne nouvelle, que c’était mieux que d’avoir un autre local vacant.

Les Faims Finauds et la Jeune Espiègle s’accrochent comme un phare dans la nuit à la rue Lajeunesse cette strip exsangue qui se vide de ses commerces. Pendant ce temps on bâti un Walmart au Marché Central.

À croire que l’avenir est au tout à l’auto. Il faudra désormais prendre notre char pour pour aller au Métro André-Grasset ou au Costco. Pourtant on vient de s’équiper d’infrastructures cyclables. Il y a là une incongruité.

Le comité de revitalisation décrit depuis quelques années le problème mais ne peut pas à lui seul attirer des commerces.

À voir le cube de la Samaritaine reculé à 45 degrés bloquant une voie de la rue Lajeunesse pour décharger des caisses de victuailles avec leurs bénévoles, on comprend qu’au moins eux ils répondent aux besoins du terrain.

Je n’ai pas choisi d’habiter en ville pour finir dans un désert alimentaire.

Je pense aux réalisations du comité citoyen Youville: la station Youville, le Jardin Youville, les comités et l’espace des possibles, les mobilisations pour la mobilité et la sécurité autour de l’école Christ-Roi.

Je pense aux ateliers d’artistes comme les Ateliers Belleville qui se sont installés dans le District Central avec l’aide de différents paliers du gouvernement et organismes.

Je pense aux travailleuses et travailleurs du Tradition qui étaient terrorisés quand les tablettes se vidaient à l’idée de perdre leur emploi et pour qui le pire s’est concrétisé.

Et si la solution venait de nous ? Et si nous unissions nos forces pour créer une épicerie qui nourrira notre monde ? (Sans sonner paternaliste comme le PM quand il dit « nos aînés »). Il faudrait comprendre ce qui a fait échouer le Tradition. Est-ce le loyer exorbitant ou des problèmes d’approvisionnements ?

Alors je me suis dit qu’on pourrait appeler ça le Marché Youville, pas pour être original mais parce que c’est beau Youville.

Philippe St-Jacques
5 février 2023